La promesse de лаубе :: Gary Romain
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КАТЕГОРИИ КНИГПОСЛЕДНИЕ ОТЗЫВЫ О КНИГАХМихаил (19.04.2017 - 06:11:11) Антихрист666 (18.04.2017 - 21:05:58) Ладно, теперь поспешили вы... (18.04.2017 - 20:50:34) Роман (18.04.2017 - 18:12:26) АНДРЕЙ (18.04.2017 - 16:42:55) СЛУЧАЙНОЕ ПРОИЗВЕДЕНИЕНет сказки прекраснее, чем любовь, 23.06.10 - 08:28 Хотите чтобы ваше произведение или ваш любимый стишок появились здесь? добавьте его! |
Un matin, parti ostensiblement au lycée, mon cartable sous le bras, je revins au galop pour rejoindre ma belle, qui venait chez nous vers huit heures et demie. Ma mère s'en était allée de son côté, la valise à la main, pour se rendre à Cannes, où elle comptait offrir ses «bijoux de famille» aux Anglais de l'Hôtel Martinez. Nous n'avions apparemment rien à craindre, mais le destin, avec ce côté vache qui le caractérise, avait organisé une grève d'autobus – ma mère rebroussa chemin. Ayant à peine ouvert la porte de l'appartement, elle entendit des hurlements et, convaincue que j'étais en train de mourir d'une crise d'appendicite – la crise d'appendicite était toujours présente à son esprit, dernière incarnation humble et déchue de la tragédie grecque – elle se rua à mon secours. Je venais à peine de me calmer et j'étais plongé dans cet état de béatitude et d'insensibilité à peu près totale qui est une de nos grandes réussites ici-bas. A treize ans et demi, j'avais le sentiment d'avoir réussi entièrement ma vie, accompli mon destin et, assis parmi les dieux, je contemplais avec détachement mes doigts de pied, seul rappel des lieux terrestres que j'avais jadis fréquentés. C'était un de ces moments de haute sérénité philosophique que mon âme, éprise d'élévation et de détachement, m'a souvent poussé à rechercher, au cours de ma jeunesse méditative; un de ces moments où toutes les doctrines pessimistes et désespérées sur l'adversité et l'infirmité d'être un homme s'effondrent comme de pauvres fabrications, devant l'évidence de la beauté d'être, radieuse de plénitude, de sagesse et de bonheur souverain. Dans mon euphorie, la soudaine apparition de ma mère fut accueillie par moi comme l'eût été n'importe quelle autre manifestation des éléments déchaînés: avec indulgence. Je souris aimablement. La réaction de Mariette fut quelque peu différente. Avec un cri perçant, elle bondit hors du lit. La scène qui suivit fut assez étonnante et, du haut de mon Olympe, je l'observai avec un vague intérêt. Ma mère avait encore la canne à la main; ayant embrassé, d'un coup d'œil, toute l'étendue du désastre, elle leva le bras et passa immédiatement à l'action. La canne s'abattit sur le visage de mon professeur de mathématiques avec une vigoureuse précision. Mariette se mit à hurler et chercha à protéger ce côté adorable de sa personnalité. La petite chambre s'emplit d'un tumulte effrayant, avec le vieux mot russe kourva, résonnant de toute la puissance tragique de la voix de ma mère au-dessus de la mêlée.
Je dois dire que ma mère avait au plus haut degré le don de l'invective; en quelques mots bien choisis, sa nature poétique et nostalgique parvenait à merveille à reconstituer l'atmosphère à la Gorki des Bas-Fonds ou, plus modestement, des Bateliers de la Volga. Il suffisait d'un rien pour que cette dame distinguée aux cheveux blancs, qui inspirait une telle confiance aux acheteurs des «bijoux de famille», se mît soudain à évoquer, devant son auditoire sidéré, toute la Sainte Russie des palefreniers ivres, des moujiks et des feldvebels; elle possédait incontestablement un grand talent de reconstitution historique, par la voix et le geste, et ces scènes semblaient bien prouver qu'elle avait vraiment été, dans sa jeunesse, la grande artiste dramatique qu'elle prétendait avoir été. Je ne suis cependant jamais parvenu à élucider ce dernier point entièrement. J'ai toujours su, bien entendu, que ma mère avait été «artiste dramatique» – avec quel accent de fierté, elle avait, toute sa vie, prononcé ces mots! – et je me revois encore à ses côtés, à l'âge de cinq, six ans, dans les solitudes enneigées où nous errions au hasard de ses tournées théâtrales, dans les traîneaux aux clochettes tristes qui nous ramenaient de quelque usine glacée, où elle venait de «donner du Tchékov» devant les ouvriers d'un Soviet local, ou de quelque caserne, où elle avait «dit des poèmes» devant les soldats et les matelots de la Révolution. Je me retrouve aussi sans peine dans sa petite loge de théâtre, à Moscou, assis par terre, en train de jouer avec des bouts d'étoffe multicolores, que j'essayais d'assortir harmonieusement: mon premier effort d'expression artistique. Je me souviens même du nom de la pièce qu'elle interprétait alors: Le Chien du jardinier. Mes premiers souvenirs d'enfant sont un décor de théâtre, une délicieuse odeur de bois et de peinture, une scène vide, où je m'aventure prudemment dans une fausse forêt et me fige de terreur en découvrant soudain devant moi une salle immense, béante et noire; je revois encore des visages grimés, étrangement beiges, aux yeux cerclés de blanc et de noir, qui se penchent sur moi et me sourient; des hommes et des femmes bizarrement vêtus qui me tiennent sur les genoux, pendant que ma mère est en scène; je me souviens encore d'un matelot soviétique qui me soulève et m'installe sur ses épaules, pour me permettre de voir ma mère interprétant le personnage de Rosa, dans Le Naufrage de l'espoir. Je me souviens même de son nom de théâtre, ce furent les premiers mots russes que j'appris à lire moi-même et ils étaient écrits sur la porte de sa loge: Nina Borisovskaia. Il semble donc bien que sa situation, dans le petit monde de théâtre russe, aux environs des années 1919-1920, était assez solidement établie. Ivan Mosjoukine, le grand acteur de cinéma, qui avait connu ma mère à l'époque de ses débuts artistiques, avait cependant toujours été assez évasif à ce sujet. Fixant sur moi ses yeux pâles sous des sourcils de Cagliostro, il me disait, à la terrasse de la «Grande Bleue», où il me faisait venir parfois, lorsqu'il tournait un film à Nice, pour voir «ce que je devenais»: «Votre mère aurait dû faire le Conservatoire; malheureusement, les événements ne lui ont pas permis de développer son talent. Et puis, dès votre naissance, jeune homme, en dehors de son fils, rien ne l'intéressait vraiment. |
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